Une journée en enfer

Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour vos messages qui m’ont été droit au coeur. J’en ai lu quelques uns juste avant l’audience, sur un iPhone, et ça m’a bossté un peu. Donc merci beaucoup!

Ca a été dur et long, mais contrairement à mes pires craintes, je suis encore vivante.

Nous avons laissé MissCouette et Mouflette chez leur Mamie, un gros bisous à chacune, et le coeur lourd de devoir passer la journée loin de mon bébé, pour la première fois, dans cette circonstance…

Pendant les 3h30 de route qui séparent le village du Gers et La Rochelle, nous avons devisé gaiement, chanté sur Radiohead ou -M-, on a regardé les châteaux sur la route, on a parlé du temps où nous passions nos vacances à l’Ile d’Oléron, vu le temps clément, on aurait pu pensé que nous allions partager un petit week end en amoureux, rien que tous les deux.

Arrivée à La Rrochelle, on trouve une place derrière le Palais de Justice. Elle est gratuite, on est contents. On prend nos sandwichs que l’on va manger devant l’entrée. Je n’ai pas peur, je n’y pense pas. A peine si j’ai conscience de ce que je sui svenue faire là.
Il fait beau, je m’amuse du blanc des immeubles, on a l’habitude du rose, ça change.

J’ai presque terminé mon sandwich quand, sur le trottoir d’en face, je le vois.
Il est là, il me regarde d’un air ahurri.

J’attrape Mister Mii et on rentre dans le tribunal. Je comprends désormais ce qui m’attend, et je tremble, si mon esprit est relativement serein, mon corps, lui, ne me répond plus.

Je passe me rafraîchir un peu.
Nous croisons mon avocat, elle nous amène dans une salle d’attente. Elle a réussi à négocier que nous n’attendions pas dans la même salle (oui, parce qu’il faut négocier, au tribunal, pour ne pas que victimes et bourreaux attendent patiemment dans la même pièce…).
On a peu le temps de parler, c’est l’heure.

Je m’installe, puis mon avocat à mes côtés. Ils rentrent, son avocat se place à côté du mien et lui ensuite. Je ne le vois pas, c’est très bien comme ça.
Le juge d’instruction nous explique que lui seul va s’adresser à nous, que nous devrons lui répondre, à lui, mais en aucun cas nous adresser la parole.
La pression est pourtant à son comble. Je ne sens plus mes jambes, mes mains tremblent comme des feuilles, et je peine à respirer…

Le juge commence par me poser des questions. Il est amicale, autant qu’un juge puisse l’être. Il est très jeune, 30 ans, pas plus.
Il me demande de préciser les faits, c’est difficile.
Je lui explique que la dernière fois que j’ai été entendue, c’était il y a 5 ans, qu’à cette époque, les souvenirs étaient clairs comme de l’eau de roche, que je revivais les faits chaque nuit ou presque.
Que depuis, j’ai fait un énorme travail, et ces faits du passé sont désormais de lointains souvenirs. Alors non, aujourd’hui, je ne me souviens pas avec exactitude des faits. Il en prend note.
Je me dis que ça va me desservir, et je pense aussi que je m’en fiche. Je veux être sincère, et je ne souhaite pas rechercher ardemment des souvenirs que j’ai mis tant d’énergie à « oublier ».

Puis il s’adresse à lui. Et la situation tourne au ridicule…
Si les faits n’étaient pas si dramatiques, la situation serait franchement comique.

Il s’embrouille, sur les dates, sur les faits, il revient sur ses aveux d’une manière idiote, il ment, il m’accuse, il se plaind.

Mon avocat est scandalisée, elle ne cesse de me prendre le bras en me disant « Mon Dieu, ça doit être terrible pour vous… »
Non, ça n’est pas si terrible. Je m’attendais à pire.

Le juge lui demande s’il m’a fait « ça », il nie.
Le juge: « Vous niez avoir fait « ça »? »
Lui « Je suis formel! »
« Vous étiez moins formel lors de la garde à vue de telle date, vous aviez même affirmé avoir fait « ça »…?
Lui: Ha mais, j’étais en garde vue depuis de nombreuses heures, j’aurais pu avouer n’importe quoi, je n’avais ni mangé ni dormi, c’était horrible, j’étais à bout de nerfs, je voulais en finir!
Le juge: Ha, je comprends… Il est vrai que les garde à vues, quand elles s’éternisent, peuent être très difficiles et amener à dire n’importe quoi…
Néanmoins, je constate que vous êtes rentré en garde à vue à 9h du matin… Et que vous avez tenu ces propos à 10 heures…?

Pas de réponse.

Et ça a été comme ça pour tout.

Le juge lui demande s’il m’a fait « ceci »
« Ha non! C’est elle qui le l’a fait! »
Quel âge avait t’elle?
« Au moins 11 ans! »

Ben oui…
D’après lui, je suis l’instigatrice des faits, à cause de ma perversité et de ma curiosité lubrique précoce…
Le juge en prend note. Lui semble content.

Plusieurs fois, il se niera. A chaque fois, le juge lui opposera ses avuex antérieurs. A chaque fois, il essaiera de se défiler « Oui mais je n’ai jamais dit ça, on m’a forcé à signer! On a écrit n’importe quoi à ma place! »

Plusieurs fois, il m’accusera de l’accuser à tord.
« Ha, si vous la connaissiez, vous sauriez qu’elle dit n’importe quoi! »

A un moment, j’évoque la psychothérapie que je suis.
Et lui de rebondir à la question suivante « Ha ha (oui, il se payait le luxe de rire) elle dit qu’elle voit un psy à Toulouse, mais elle en a vu plein!!! A Rouen, à Versailles, à Angoulême!!!
Et comme par hasard, seul celui de Toulouse a fait le rapprochement entre son comportement (pour lui, je suis folle à lier, une colérique incontrôlable et totalement imprévisible) et ce que je lui ai fait! »

Il se plaind d’avoir été manipulé, les aveux qu’il a fait précédement, jamais il ne les aurait fait s’il avait su que je porterais plainte ensuite. Il est victime d’une atroce machination, lui, le pauvre et très gentil pédophile…

Bref, rien que de très banal dans ce genre de situation…
Mon avocat lui a ensuite posé quelques questions.
La sienne ne m’en a posé qu’une, concernant d’autres faits que j’ai subi, pérpetrés par un autre agresseur (j’ai eu une enfance particulièrement funky) et le pourquoi je n’ai pas porté plainte contre celui ci. Ben parce qu’il est mort!

J’ai eu pitié de son avocat. Elle a dû à plusieurs reprises, le faire taire alors qu’il s’adressait au juge qui ne lui avait rien demandé.
Plusieurs fois, elle lui a dit « Mais ça n’était pas la question »! Le juge lui même s’est agacé de l’entendre m’accuser de choses et d’autres au lieu de répondre, simplement, à la question posée.

Je ne sais pas quelle sera l’issue de cette confrontation.
J’y suis allée, j’ai gardé la tête relativement haute, je n’ai plus peur.

Même si aujourd’hui, j’accuse le contre-coup, hier, nous sommes rentrés retrouver nos filles, et après avoir expliqué en détails ce qui s’était passé à Mister Mii, nous avons parlé de la Lune, des étoiles, de l’univers, des marées et de la très probable vie extra-terrestre.
J’aime bien parler de physique avec mon mari, parce que je n’y connais absolument rien, et lui si. J’ai l’impression d’avoir 5 ans et d’écouter Hubert Rives!

Cette journée a été éprouvante.
Et ma décision n’est toujours pas prise.
Est ce qu’un jugement m’est nécessaire? J’en doute…
Mais le voir m’accuser, faire comme il a toujours fait, me faire passer moi pour la coupable, et lui pour la pauvre victime d’une lolita aux hormones trop précoces. Il y a quelques années, j’aurais pensé qu’il avait raison, que tout était de ma faute, que j’étais le diable en personne…
Aujourd’hui, j’ai suffisament de recul pour savoir que le seul monstre, c’est lui. Et c’est intolérable d’entendre des choses comme « A 7 ans, elle voulait découvrir mon corps, je l’ai laissé faire, c’est bien normal! »
Ou encore « Ha non, ça, je ne l’ai jamais fait, je connais les limites! »
Limite qu’il ne partage qu’avec les autres pervers de son espèce, sans doute…

Je sais que je n’ai pas été sa seule victime.
Et je me dis que si la justice m’entend, il sera puni aussi pour toutes les autres. Il sera puni de penser que « ça n’est pas si grave! », qu’il n’a pas été « si loin ».

Cette épreuve a été difficile, mais finalement gérable.
Sur la route du retour, j’ai mesuré le chemin parcouru.
J’étais dans une voiture, avec mon mari, si gentil, si aimant, et nous étions en route pour retrouver nos deux petits trésors.
Sur le chemin, j’ai lu les messages sur mon portable, des messages d’amies qui m’apportaient leur soutien.

J’ai un équilibre aujourd’hui que je ne pensais pas possible.
Je vis un bonheur dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
J’ai réussi à dépasser les sévices, les angoisses, le malheur et faire de ma vie un chouette chemin à parcourir.

Je sais aujourd’hui que je n’ai pas besoin de la justice pour être heureuse et me reconstruire.
Parallèlement, je sais que je suis suffisament forte pour affronter un jugement s’il y a lieu, sans (trop) m’éfondrer, sans tomber dans la dépression, parce que j’ai ce quotidien joyeux, ces proches qui me soutiennent.

Je déciderai plus tard.

Voilà, ce billet est complètement décousu, je suis un peu patraque aujourd’hui. 10h de route, 2 heures de confrontation. Un coucher à 1h. Un paquet de BN retrouvé déchiqueté par une souris (Mister Mii est convaincu qu’il n’y en a qu’une).

Aujourd’hui, j’ai décidé de rester à la maison, en chemise de nuit.
Je vais tranquillement faire du repassage, du ménage (faut aspirer toutes les miettes de BN), de regarder des Friends avec mon bébé sur le ventre. Et de me dire que glandouiller, c’est quand même super!

Demain, on reprendra ici les réjouissances, avec une invité surprise!
Et on se dira, définitivement, que vivre le présent, c’est le plus important.

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