Jamais à la hauteur

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Est-ce l’âge? La conscience du monde?
Avant, avec Mouflette, tout me semblait évident, facile, c’est ça être mère? Ce n’est pas bien compliqué… Ok, il y a bien eu les nuits sans sommeil, l’allaitement foiré, le doigt coincé dans la porte… Mais ça n’était pas grand chose en comparaison de tout le reste…
Le plus difficile dans ma maternité n’était pas de gérer le quotidien… Le plus dur était de gérer tout le reste, la séparation, les crises de panique de ma fille, mon angoisse de la perdre, au propre comme au figuré…
Mais, aussi difficile que cela pouvait être, je gérais… Des fois, avec beaucoup de difficultés, parfois j’allais m’enfermer dans une pièce pour pleurer de ne pas réussir à la calmer… D’autres fois, je criais, sur cette petite fille déjà effrayée, et je m’en voulais…
Mais globalement, je m’en sortais. Je me sentais noyée sur l’instant, mais en prenant un peu de recul, je trouvais que je m’en sortais bien mieux que ce que l’on m’avait promis…

Peut-être parce que le tableau présenté de la « fille-mère-célibataire » était d’une noirceur terrifiante, alors la réalité me paraissait un peu plus nuancée et plus jolie.

Et puis Mouflette a grandi, et moi avec… Elle est devenue grande soeur, et moi une deuxième fois maman… Et j’ai continué de trouver facile d’avoir un petit bébé… Mais j’ai commencé à trouver drôlement moins facile d’avoir une grande fille… Et j’ai commencé à me sentir en dessous de tout.
Jamais à la hauteur…

Mouflette et moi avons une vie commune très intense, à la fois merveilleuse, faites de bonheurs immenses! Et à la fois désastreuse… Je prends pleinement conscience aujourd’hui des conséquences de tous les choix que j’ai pu faire. Des choix indispensables pour certains, mais non moins dévastateurs pour ma fille.
J’ai voulu fermer les yeux, avancer comme si tout se passait à merveilles… Fermer les yeux sur l’abandon, l’adoption et tout le reste.
Et tout m’est revenu en pleine face il y a peu, quand j’ai dû expliquer pourquoi je sollicitais un suivi thérapeutique pour Mouflette dans un CMPP. J’ai dû raconter « sa vie » à une assistante sociale… Je venais pour un problème de notes pas folichonnes, de confiance pas au top… Et je suis repartie en m’étant pris un mur de briques…

Comment ai-je pu occulter tout ça? Comment ne pas voir que ma fille ne se sent à sa place nulle part? Que dans sa tête, elle est la fille adoptive, la demi-soeur, ma béquille?
Je n’ai pas vu parce que pour moi, tout est évident, elle est notre fille, elle est la grande soeur, elle a été mon moteur, ma raison de me battre… Et ça ne m’a jamais effleuré l’esprit qu’elle puisse souffrir d’une situation qui me semblait si claire.

Je n’ai jamais été à la hauteur.

Je dois pourtant faire face, pour elle, regarder mes erreurs en face, ne surtout pas me morfondre sur mon sort de mère à côté de la plaque…
Les erreurs sont là, avec leurs conséquences difficiles… A moi désormais de réparer ce qui peut l’être, de prendre en compte la souffrance de ma fille, même si c’est terriblement difficile d’admettre qu’on a un enfant en difficulté psychologique…

Curieusement, depuis que tout ça a été dit, Mouflette va beaucoup mieux… On la sent un peu plus sûre d’elle, plus joyeuse, comme libérée d’un poids.
Elle me questionne plus facilement sur son passé. J’ai accepté de lui faire lire des mails de son père, que j’avais jugé trop difficiles à lire pour elle… Elle a trouvé ça très dur, mais elle était contente de pouvoir mettre des mots sur ce qu’elle ne pouvait que deviner.

Au final, je suis ébranlée dans mes petites certitudes. C’est difficile pour moi d’avoir toujours le sentiment de mal agir… Mais je sais désormais que la culpabilité ne quitte jamais vraiment le parent qui souhaite bien faire.
Et, au delà de tout, il y a la fierté surprenante de voir grandir cette jeune fille, prête à me coller le nez dans ce qui ne me plait pas… Elle est belle, elle est digne, ma fille.
Je ne veux pas toujours l’écouter ni la voir, parce qu’elle me renvoie ce qu’il y a de moche en moi… Mais elle est là pour venir me secouer et m’obliger à la regarder… Me rappeler à mes devoirs de mère.
Ce n’est pas son rôle, et je m’en veux de la voir si mûre.

Mais quelle merveilleuse personne elle devient! Et quelle fierté de la voir grandir et s’épanouir malgré tout. Voir à quel point elle est résiliente et forte.

Non, la maternité est loin d’être facile, et encore moins évidente… C’est une remise en question permanente. C’est dur, c’est intense… Mais c’est aussi la plus belle aventure qu’il m’ait été donné de vivre. Avec ses hauts et ses bas.

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53 Discussions on
“Jamais à la hauteur”
  • C’est justement parce que tu ne te sens pas a la hauteur, parce que tu te remet en question…. parce que le bonheur et le bien etre de tes filles sont primordials pour toi
    Pour toutes ces raisons tu es à la hauteur 🙂

  • Je ne sais pas quoi dire, j’ai perdu tous mes mots.. trop émue, je te trouve tellement touchante..
    alors juste un « calin virtuel » si tu me le permets

    je te souhaite belle journée 🙂

  • Mais putain Aurore tu te rends pas compte à quel point tu déchires comme mère??? Tu es capable maintenant de réaliser que ta vie et ton histoire ont eu des conséquences sur ta fille!!! Ouaouh!!! Quel recul! Certains passent toute une vie a rester dans l’incompréhension sans même imaginer qulls sont peut être responsables!!! Chapeau bas!!!

    • J’ai toujours le sentiment que c’est facile pour les autres, mais c’est un autre problème! 😉
      Merci pour tes mots, tu m’as fait pleurer! :p
      Se rendre compte de ses erreurs ne les rendent pas moins difficiles à vivre pour l’enfant… J’espère que ça permet au moins de réparer un peu…
      Peut-être aussi que, l’enfant se sentant compris, il souffre déjà un peu moins?

  • Il n’y a pas de parents ni d’enfants parfaits.Quand ces chérubins viennent au monde,ils ne sont pas livrer avec le mode d’emploi et ils nous arrivent d’être à côté de la plaque en croyant bien faire.L’important ce n’est pas quand on fait les choses mais surtout de le faire.Tu a su déceler ce mal être à temps et ne pas l’ignorer et c’est celà qui a fait d’elle cette personne mûre et sûre d’elle.C’est celà être mére..Bravo.

  • Toutes les questions qu’on se pose font que justement on est à la hauteur, on fait tous et toutes des erreurs, on doit tous composer avec ce qu’on est, ce qu’on a été, ce qu’on deviendra, ce que sont nos enfants, chacun à sa façon 🙂

    Se remettre en question est une très bonne chose, se réajuster, chercher des solutions, c’est ça aussi qui fait qu’être parents est très riche 🙂

    • C’est sûr!
      Parfois je me sens croulée sous le poids des responsabilités… Peut-être aussi parce que j’ai le sentiment de les assumer seule (mon mari est présent, mais je trouve que la charge de responsabilité revient surtout à la femme, du moins dans notre couple…)

  • Se remettre en question, ne pas se voiler ses faiblesses, solliciter un suivi thérapeutique… tout cela me parait très positif. Elever un enfant, ce n’est pas lui assurer d’être toujours heureux, mais qu’on sera toujours là avec lui pour l’épauler, entendre sa détresse et l’aider à trouver ses solutions…
    Alors malgré les doutes, les faiblesses, je crois que pour Mouflette, c’est très positif.

  • c’est bien de se remettre en question parfois, ça fait avancer les choses, la preuve.
    Je suis sûre que ta mouflette sera une femme forte plus tard grâce à tout ce que vous avez construit ensemble, les erreurs et les difficultés de la vie ça sert à ça aussi !
    +++

  • La culpabilité est inhérent au rôle de mère. On la découvre doucement (ou pas) mais sûrement. Pour mes 4 enfants, c’est la période adolescente que je trouve la plus difficile à traverser aussi, même avec une histoire plus simple. Je trouve au contraire que tu es à la hauteur : aimante, prenant du recul, à l’écoute, prête à faire évoluer les choses… Bravo !

  • C’est bien de réussir à mettre des mots sur les maux et de l’aider à se construire. Pour une soit disant mère pas à la hauteur, j’aurais bien aimé en avoir une comme toi !

  • Ma foi je pense que les questionnements de Mouflette sont certainement plus liés à son âge et à son histoire plutôt qu’à un manquement de ton côté! Il faut aussi accepter que quoique tu puisses faire, et aussi bien que tu puisses le faire, elle se pose un certain nombre de questions…. Bref: déculpabilise et essaye de l’aider dans son cheminement! Tu en as pris conscience et c’est énorme!

    Cheer up! Tu es une bonne maman!!

    • Oui, il y a sans doute aussi de ça…
      J’ai peut-être une sorte de syndrome de mère omnipotente, qui ne supporte pas très bien de ne pas pouvoir tout faire pour protéger et empêcher de laisser souffrir ses enfants… :-p

  • Wahou, la claque… C’est un billet très émouvant.
    Tu n’as pas été à la hauteur car tu n’as pas su voir à un moment donné ce qui clochait dans la vie de ta fille, soit. Mais tu as su le voir maintenant. Et tout faire pour réussir à « réparer ». Et tu as réussi d’ailleurs, tu dis toi-même que Mouflette se sent mieux, plus à sa place. Donc tu es à la hauteur. Bravo!!

  • Prendre conscience de ses erreurs, revenir sur ses pas, essayer de trouver des solutions, ce n’est pas facile c’est sûr, mais c’est déjà être à la hauteur de ce qu’on attend d’une maman : vouloir le mieux pour ses enfants, les aimer sans condition, faire en sorte qu’ils s’acceptent et ce, malgré les situations parfois bien moches que la vie sème sur notre chemin.
    Tu as des blessures, c’est évident, mais j’ai du mal à croire que les choix que tu fais pour élever tes filles remettent en cause ta qualité de mère (imparfaite, peut-être mais bienveillante et aimante).

    • Non c’est sûr, je ne suis pas une mère indigne ou méchante…
      Mais je reste persuadée que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et en voulant faire au mieux, on peut tout de même causer de gros dégâts.
      C’est ça qui est terrible, avoir la responsabilité de vies entre nos mains, qui pire qu’un parent peut tout foutre en l’air? Même en croyant bien faire…
      Ce n’est pas tous les jours facile de porter ça, c’est dur de se sentir à la hauteur…

  • Perso, je suis la demi-soeur, la pièce en plus, celle qui ne se sentait jamais à sa place, pas légitime et puis…
    j’ai grandi avec, pas trop mal mais ce sentiment ne m’a jamais vraiment lâché…

    j’avais 30ans quand mon beau père m’a adoptée!
    malgré tous les « t’es pas mon père » que j’ai pu lui balancer
    et c’est à ce moment là il m’a redonné ma place de grande sœur
    pour les autres mes « demi » frères étaient enfin mes frères « entier »… sauf qu’à 30 ans …

    bref, je pense que tu fais ce qu’il faut, du mieux possible, avec tes tripes et ton instinct! l preuve: tu te pose des questions 😉
    Alors continue de te faire confiance… à priori tu t’en sort plutôt bien, elle a l’air d’aller bien ta poulette 😉

    • Mouflette est adoptée depuis 2 ans pourtant…
      Mais certaines personnes continuent d’appeler Mister Mii le « beau-père » de Mouflette, et d’autres, MissCouette sa « demi-soeur »…
      Nous ça nous énerve et nous blesse, mais nous sommes des adultes, nous savons passer au dessus.
      Elle, ça la blesse durablement et lui fait se poser mille questions, en cette période troublée d’adolescence…
      La société ne nous renvoie pas forcément la réalité de notre famille…

  • Comme l’a déjà dit quelqu’une, tu t’es rendu compte du problème et tu agis en conséquence. Il y a des parents qui continuent de nier ou de ne rien faire parce que bon, faudrait pas trop leur en demandé.

    Je ne crois pas qu’elle pense que tu n’es pas à la hauteur.

      • Tu sais, t’aurais pu la faire suivre pour pleins d ‘autres problèmes, tu peux jamais savoir comment quelqu’un va appréhender les choses. J’ ai eu une vie de famille de merde et ça n’a jamais impacté ma vie sociale/ mes devoirs. Te mets pas martel en tête ! Il y a des gens qui se font suivre alors que leur vie est « parfaite » mais bon ya un truc qui les embête/chiffonne alors que pour les parents ça ne semblent pas grave. Tu ne peux jamais savoir, tu peux juste réagir 🙂 Action, Réaction !

        • Oui c’est vrai… Enfin chez elle ça n’est pas un mal-être fantasmé! 😉
          Mais c’est vrai, c’est ça, ça aurait pu être autre chose… Il ne faut pas non plus dramatiser, mais prendre en compte, comme tu dis, réagir en conséquence, l’accompagner…
          Elle avait surtout besoin d’être entendue, je pense. Je ne voulais pas voir parce que c’était trop douloureux pour moi…
          Ouvrir les yeux fait finalement du bien à tout le monde! 🙂

  • Se remettre en question c’est savoir dire qu’on a peut être eu tort mais qu’on souhaite avancer et toujours en faisait du mieux que l’on peut!!!je trouve que c’est une grande qualité humaine!!!

  • C’est déjà énorme de pouvoir mettre des mots sur ce que tu vis, de partager, de savoir et de comprendre où tu en es. C’est la meilleure façon d’avancer. Et puis, tu m’a l’air de gérer grave, d’être quand même super à la hauteur… 🙂
    Bon courage, bises à toi

  • J’ai trois enfants et chacun à un fonctionnement différent, de quoi avoir un certain nombres de cheveux blancs rapidement^^, rajoutons le fait que j’ai deux ados et une mini d’un an que d’animation à la maison (oh joie des familles recomposées(o:)
    Il n’y a pas de mère parfaite, on fait toute avec notre histoire, nos blessures, nos forces.
    On donne le mieux avec tout notre amour, et oui parfois nous ne voyons pas, cela ne fait pas de nous de mauvaises mères, loin de là, nous avons des adultes en devenir et leurs réactions sont hyper complexes parfois!!
    Le cmp et autres structures sont là pour nous aider à éclaircir et simplifier certaines choses Chacun des mots de ton texte montre que tu es une Maman attentive, qui se remet en question c’est pas donné à tout le monde^^
    Vive les mamans pas parfaites mais vraiment trop chouettes!!

  • Tiens j’ai un article en brouillon avec quasiment le même titre…
    Je ne me sens jamais à la hauteur, en tant que mère, en tant que femme, en tant que tout…
    Je trouve ton article très touchant, très intéressant.
    Oui la maternité est une remise en question permanente

  • Je pense que finalement c’est peut-être ouvrir le dialogue a la bonne heure, a l’heure ou elle se pose des questions qui la derangent et a l’heure ou elle est capable d’entendre et de comprendre la situation. C’est pas forcement trop tard, c’est peut etre le bon moment, le moment ou elle en a besoin.

  • Mais il y a une chose dont tu dois être certaine, c’est que tes remises en question permanentes sont la preuve que tu es une bonne maman
    (et pas quand tu t’auto flagelles)

  • OUCH, sacré mur et sacrée remise en question mais on devine combien tu es capable de réajuster le tir, de te remettre en cause, en ayant toujours l’équilibre et le bonheur de tes enfants comme objectif.
    Tu ne peux pas savoir comme ce que tu dis m’a touchée, tellement j’ai l’impression d’ouvrir grand les yeux moi aussi, ces dernières semaines… sur ma propre enfance. Incroyable d’avoir toujours cru être fine psychologue et de bon conseil (je parle de moi là) et de réaliser qu’on est jamais aussi peu réaliste que sur sa propre situation. Logique mais effrayant.
    Enfin, l’essentiel, c’est d’ouvrir les yeux un jour et de se délester de tout ce qu’on n’a pas à porter, pour mieux continuer.

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