Se laisser porter par la vague… [Part one]

Quand mon premier bébé est né, il y a treize ans de cela, j’étais une très jeune maman, parfaitement inexpérimentée et manquant cruellement de confiance en mes aptitudes à être une bonne maman…
Mouflette était un bébé que j’ai jugé difficile car très accaparant. A la maternité, elle n’était heureuse que si je la prenais dans mes bras et que je marchais. Si je m’asseyais, alors qu’elle dormait, elle se réveillait et pleurait.
Mouflette a toujours été une enfant « de mouvements », dès sa naissance, il fallait que ça bouge… Et elle a eu très tôt un besoin immense d’être rassurée, de se sentir aimée et protégée.
A cette époque, on ne parlait pas comme aujourd’hui de maternage proximal, d’allaitement long, de portage, de cododo etc… Ou en tout cas je n’en entendais pas parler du tout…
Tout ce que j’entendais au sujet de la maternité, c’était des conseils très stricts, des injonctions.
Dormir avec mon bébé était absolument impensable, par exemple… Le porter en permanence était un signe de faiblesse…
Je me souviens avoir parlé à mon pédiatre de l’hypothèse de dormir avec mon bébé… « Elle ne dort que dans mes bras, si je la mets dans mon lit, peut-être pourrai-je dormir aussi? ». Il m’avait regardé comme si j’étais à moitié folle et m’avait dit, grosso modo, que dormir avec un bébé était totalement inconscient et c’était la meilleure façon de le tuer… Et que de toute manière, quand on a un bébé, on fait une croix sur son sommeil.
Et puis il m’avait conseillé de la laisser pleurer dans son lit jusqu’à ce qu’elle s’endorme.
C’était comme ça, à l’époque… Du moins les conseils que l’on m’a donné étaient ceux-ci.
Concernant l’allaitement à la demande (en fait ce terme me fait rire… Un allaitement est forcément à la demande!), c’était une hérésie… Quand ce même pédiatre m’avait demandé combien de fois ma fille tétait par jour et que j’avais été incapable de lui répondre, vu qu’elle tétait toute la journée, il m’avait répondu que ça n’était pas normal, que je n’avais probablement pas assez de lait (Mouflette prenait 200 grammes par semaine) et que pour la caler et lui imposer des horaires, il fallait li donner des biberons.

Je me suis donc retrouvée avec ma Mouflette (seule), à ne plus pouvoir lui donner le sein quand elle voulait, à ne pas pouvoir dormir avec elle sous peine de la tuer, à ne pas devoir la prendre dans mes bras en permanence sous peine d’en faire une enfant dépendante… Un rapport de force s’est donc, de fait, installé entre mon bébé et moi…
La pauvre avait besoin de moi, viscéralement… Et moi je réfrénais autant que possible mes instincts maternels vu qu’ils étaient considérés comme potentiellement meurtriers…
Evidemment, aucune de nous deux ne dormait et nous étions toutes deux très malheureuses…
Je me souviens des nuits à la bercer pour qu’elle s’endorme, en vain… Je me souviens des nuits où j’allais m’enfermer le plus loin possible afin de ne plus l’entendre pleurer, et pleurer à mon tour, de fatigue, de douleur, de désespoir…

Et puis un jour j’ai capitulé, sans doute trop tard… J’ai intérieurement dit fuck à tous ces conseils qui me rendaient folle… J’ai pris Mouflette dans mon lit pour dormir, et nous avons dormi toutes deux, rassurées l’une l’autre par notre chaleur. J’ai câliné ma fille autant qu’elle en avait besoin, j’ai répondu à ses demandes, et dieu sait qu’elle en avait… J’ai arrêté d’être dans le conflit, parce qu’au fond, je savais pertinemment que mon bébé n’était pas un mini-dictateur, mais qu’elle avait simplement besoin de sa maman.

Evidemment, le contexte de la naissance de Mouflette a profondément joué, elle a vécu un divorce, un déménagement en urgence, elle a grandi les premiers mois dans un contexte extrêmement délétère, dans une ambiance électrique et a ensuite subi des déplacements fréquents et des séparations brutales et bien trop précoces d’avec moi… Ca a forcément influencé son fort besoin de présence, d’être rassurée en permanence et ça a également sans doute contribué à faire naître chez elle une grande angoisse face à l’abandon.
Mais je reste persuadée aujourd’hui que mon attitude face à elle, le fait que j’ai tant voulu être une mère parfaite selon les critères de l’époque, en faisant fi de mon ressenti, a également joué.

J’en ai beaucoup voulu aux médecins croisés qui sous-entendaient que les parents « cédant » aux « caprices » de leur bébé n’étaient en fait que des gens faibles et laxistes créant de futurs adultes dépendants.
Je leur en ai voulu de m’avoir fait croire que répondre aux besoins de mon enfant, la prendre dans mes bras aussi souvent qu’elle en avait besoin, la nourrir dès qu’elle le réclamait, lui offrir ma présence même la nuit, était potentiellement dangereux pour elle… Que si je le faisais, j’étais une mère dangereuse et égoïste.

Je leur en ai voulu car j’ai gardé un souvenir très difficile de cette période. J’en ai voulu à ma fille de ne pas être le bébé modèle des livres qui « dort 22h par jour, a faim toutes les trois heures, veut 3/4 câlins de dix minutes par jour ». Je m’en suis voulu de lui en vouloir. Et je me suis sentie tellement coupable et mauvaise mère… De les avoir écouté, puis d’avoir fait l’inverse.

Aujourd’hui, je crois qu’ils ont surtout pêché par ignorance plus que par méchanceté…
Et j’ai réussi à me pardonner… J’ai fait comme j’ai pu, avec mes très maigres connaissances de l’époque. J’ai écouté ceux qui pour moi étaient une référence, les médecins, ceux qui savaient mieux que moi ce qui était bon pour mon bébé. Et j’ai également arrêté de m’en vouloir de leur avoir désobéi ensuite. C’était ce qu’il y avait de mieux à faire…

Aujourd’hui je repense à cette période en me souvenant du meilleur. Mon adorable bébé Mouflette, son caractère en acier trempée, sa joie de vivre, ses grands yeux curieux et sa façon bien à elle de me montrer qu’elle tenait à moi plus que tout.

 

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23 Discussions on
“Se laisser porter par la vague… [Part one]”
  • Merci!
    Merci de ce beau témoignage. Il m’apporte quelque chose d’important que j’ai du mal à expliquer
    Ça a dû être une période difficile.
    Quel chemin tu as parcouru depuis! Je crois que tu peux être fière de toi, de vous
    Bisous

  • Comme d’habitude ton article est juste.
    J’ai beaucoup eu mon enfant dans les bras et je n’ai aucun regret. Je ne sais même pas si j’en avais pas plus besoin que lui. La vieille génération me disait que j’allais en faire un enfant capricieux. Je prends parfois mon fils dans notre lit le matin lorsqu’il se réveille trop tôt, ces même personnes m’alertent en me disant qu’il ne voudra plus dormir dans son lit. Je pense pourtant que nos rapports sont sains. Lorsque je lui demande d’aller au lit il va dans sa chambre pas dans la notre.
    Pas facile de lutter quand on est maman pour la première fois. Les gens se sentent obliger de nous conseiller.
    Le meilleur conseil qu’on m’ait donné c’est « fais comme tu le sens, c’est toi la maman ».

  • J’aurais pu écrire le même billet pour mon 11 ans ça fait bizarre. Sur l’allaitement à la demande oui aujourd’hui c’est normal mais à l’époque on me demandais de faire comme au biberon, de lui donner à heure fixe, d’alterner absolument les seins et de tout marquer. A tel point que pour mon deuxième ma mère m’a fait la réflexion « c’était mieux avec Gabriel au moins tu lui donnais à heure fixe on savait quand il devait manger là c’est n’importe quoi ». Il y a 11 an le cododo était un acte meurtrier et le portage c’était pour les hippies, la mode était à la poussette 3 roues qui nécessitait d’ouvrir les deux portes de la PMI pour qu’elles puissent rentrer dans la salle,…… Bref l’instinct parental été proscrit et heureusement que tout cela a bien changé.

  • Bonjour, je lis votre blog depuis deux mois sans oser poster de commentaires. Je suis tombée dessus par hasard et je me reconnais beaucoup dans vos articles car je viens d’être maman pour la 1ère fois le 21 mai, une petite puce comme Noisette. Avant sa naissance je me suis plongée dans un super ouvrage, un livre sur l’histoire de la maternité si cela peut vous intéresser : Chérubins et morveux de Carol Mann. Il n’est pas seulement question de layette contrairement à ce qu’indique le titre. J’en suis venue à la conclusion que la vision de la maternité évolue sans cesse. Comme vous le dites dans cet article en l’espace de 10 ans les conseils donnés aux parents ont déjà bien changés. Ma mère ne comprend pas que je ne laisse pas pleurer ma fille par exemple. Moi aussi je suis incapable de compter les tétées de ma fille tant elle est accrochée au sein en continu. Lors de sa naissance, le pédiatre m’a dit (j’étais encore dans la salle d’accouchement) que j’allais entendre des conseils très contradictoires de la part des uns et des autres. Ça n’a pas manqué, rien qu’en 3 jours à la maternité, je ne savais plus du tout où j’en étais. Aux multiples injonctions du corps médical s’ajoutaient en plus celles de la belle-mère – au secours ! J’ai fait le même choix que vous : j’ai écouté mon cœur et comparé les infos, avis, vécus sur le web pour me forger ma propre vision des choses. Désolée pour ce commentaire-fleuve et encore bravo pour votre joli blog.

    • N’hésitez jamais à venir poster des commentaires fleuve, je suis ravie de les lire! 🙂
      C’est vrai que la vision de la maternité évolue sans cesse… Et c’est vrai que, plus que jamais, nous sommes perdu(e)s face à ce trop-plein d’informations et d’options…

  • Bonjour la mite.. Je suis une mere imparfaite de 6 enfants.. les ayant toujours dans les bras, ne les laissant jamais pleurer, allaitant 24h sur 24 et dormant avec eux jusqu’à ce qu’ils s’en aillent d’eux meme… (bon j’avoue qu’apres deux ans, je tente de les mettre un peu dans leur lit, leur laissant toujours la possibilité de revenir dans la nuit.. ce que bien sur ils font 5 minutes plus tard 😉 ) OUI je suis une mere imparfaite et fiere de l’etre.. M’élevant contre tous ces moules à enfant, ces ce qui doit etre fait pour entrer dans la norme..
    Un bébé doit sentir sa mere heureuse détendue.. c’est en etant une mere imparfaite que je le suis… c’est donc ce qui guide notre relation
    Je suis hors norme.. une mere imparfaite…maman avant mes 18 ans.. maman a 43 ans…. tu le sais mes grands ont 35 34 30 et 28 ans… et quand je vois le resultat, ben je continue à etre une mere imparfaite avec les deux derniers de 13 et 10 ans.. 🙂
    Laisse parler ton coeur..de mère… et lache les livres !!! les conseilleurs ne sont pas les payeurs et si il y avait un mode d’emploi ca se saurait !! 🙂 Mais bah !! je te dis ca mais je sais que tu le sais.. tu n’as juste pas à te culpabiliser de quoi que ce soit..
    Bises la mite !!

  • ah oui quand meme.. je parle je parle 🙂 j’adore tes analyses de situation.. de comportement.. c’est ainsi qu’on peut remedier, avancer ou continuer.. peu de gens prennent le temps de le faire et c’est bien dommage..
    « quand à  » se laisser porter par la vague »… c’est tout à fait ca…
    ca va , ca vient… c’est bien de nager, de se laisse porter de temps en temps mais aussi quand on ne le sent pas, de nager à contre courant !!! (purée je m’épate !! )
    bon cette fois.. je sors !! au revoir jolie maman imparfaite !! 🙂

    • Merci Macha!!
      C’est vrai que la conclusion, c’est qu’il faut s’écouter soi, et faire comme on le sent dans ses tripes… Ce qui convient à l’une ne conviendra pas à l’autre. Et c’est pareil pour les bébés!

  • Toute petite, à peine sortie de mon ventre, crevette était comme ta Mouflette, un grand besoin de succion, de câlins, de dodo sur le ventre, de portage, exactement comme tu décris ta fille.Elle a un sacré caractère, ne se laisse pas faire,certaines périodes ont été très difficiles, quand elle se roulait par terre dans les magasins, quand elle me mordait de temps en temps…mais avec l’âge ouf cela s’améliore, et l’école aussi l’assagit.Elle reste néanmoins adorable et maternelle avec ses cousins, généreuse avec ses gâteaux au chocolat 😉 car le chocolat pour crevette c’est la vie!Ce n’est pas comme toi face aux medecins que j’ai du faire face mais plutôt ausx anciennes générations, ma mère, ma grand mère, ma belle mère et toutes les autres qui me disaient comme toi de la laisser pleurer, mon père me disait mais ca va durer 1h et puis demain plus rien…jamais je n’ai pu faire ca et tant pis si cela ne plaît pas.Parfois on dort encore à trois quand elle est malade, même si cela choque certains.On fait comme on peut avec les enfants qu’on a et le caractère aussi de chacun joue évidemment!Pas facile de se faire juger en permanence de ses choix quand on est parents!

  • On m’a dit très justement: il y a ceux qui ont des principes et ceux qui ont des enfants.
    La maternité est une expérience unique, forte, troublante. Mais tant que l’amour est là, ça va!

  • Un texte qui fait écho à pas mal de mamans j’ai l’impression 😉
    J’ai eu le même ressenti que toi bien que j’ai eu supabb 10 ans après ! J’étais novice, je ne m’intéressais à l’époque que peu à l’éducation à la parentalité, je lisais surtout des livres sur le développement in utéro mais la suite… la suite ça a été presque 6 mois d’incompréhension et de pleurs (de chaque côté) ça a été des conseils mal compris, mal donnés, et puis une autre naissance, la mienne en tant que mère, j’ai reconnu mon bébé à ses 6 mois seulement, c’est fou nan ?!
    Bon week-end miss

    PS : j’espère vraiment qu’on trouvera le temps de se croiser bientôt !

  • Ma grand mère en voyant mon loulou dans les bras, en train de le bercer : ben pourquoi tu le berces ? laisse-le dans son berceau !
    Ma belle-soeur, alors que loulou avait 1 mois et que je le berçais 1 quart d’heure avant de le coucher : faut laisser les bébés pleurer, sinon ils ne vont jamais pouvoir se passer de toi pour dormir et te rappelleront toute la nuit.
    Voilà, c’est toujours pareil, des conseils débiles…qui m’ont fait passer pour qqn ne sachant pas élever son enfant…

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