Achever l’inachevé…

J’ai un parcours étudiant à l’image de ma vie, je crois: totalement hors des clous, atypique, bancale…
J’ai une licence AES et un master de droit international. Je voulais faire du droit, après avoir obtenu le bac (à 20 ans, alors que j’étais déjà maman), mais une conseillère d’orientation m’en a dissuadé: le droit, ce serait trop difficile pour moi. AES, ce serait plus simple! Et je l’ai écoutée. Je me suis longtemps demandé pourquoi j’avais écouté cette femme alors que rien ni personne n’avait pu me dissuader de reprendre une terminale après 2 ans d’arrêt… Alors que j’étais plutôt du genre déterminée et têtue, du genre à foncer tête baissée et réfléchir après… Mais j’ai récemment compris que le droit m’attirait autant qu’il me faisait peur. Et j’ai préféré m’engager dans une voie qui n’était pas la mienne, avec toutes les difficultés qu’elle impliquait (contrairement à ce que l’on croit, AES, ce n’est pas de tout repos, et quand on a un bac L en poche, c’est à la limite du suicide!!) plutôt qu’affronter des cours de droit qui auraient pu m’ébranler et m’obliger à réaliser ce que je n’étais alors pas prête à voir.

C’est fortuitement et de manière tout à fait providentielle que j’ai pu bifurquer en droit au moment du master. Au moment de la réforme LMD, la fac d’AES de Toulouse a supprimé la maîtrise AES. Pile l’année où je validais ma licence. Par souci d’équité, ils ont ouvert certains master de droit, d’économie et d’informatique aux AES, suivants leurs option et j’ai pu ainsi partir en MADIC (master de droit international et comparé)(qui n’existe plus depuis, d’ailleurs)

Bref, j’ai un master, je peux donc passer le précapa. Mais je n’ai jamais fait de droit pénal, ni de droit processuel. Je suis une sorte d’hybride de la fac de droit, ni tout à fait juriste, ni tout à fait autre chose. Mon parcours est complètement anarchique et connaît une logique assez absconse…

Pourtant, tout m’est apparu limpide il y a quelques mois. J’ai compris pourquoi je n’avais jamais fait de droit pénal. Et j’ai également compris que j’étais désormais prête.
J’ai donc candidaté pour un M1 en droit pénal et sciences criminelles, afin de me remettre dans le bain pour me lancer dans le préCAPA ensuite. Normalement, pour entrer dans ce master, il suffit d’avoir une licence de droit. Mais j’ai une licence AES… En revanche, j’ai un master de droit, alors j’ai pensé que ce serait un peu pareil… Mais non, on m’a refoulé.
Après avoir pleuré toutes les larmes de mon corps (cela peut sembler excessif, mais pleurer, même « pour pas grand chose », cela fait beaucoup de bien et cela permet surtout de passer à autre chose une fois toutes les larmes écoulées), j’ai décidé de ne pas me laisser démonter et de m’inscrire directement  à la prépa avocat de l’IEJ.

C’est une prépa à laquelle je me suis déjà inscrite deux fois. Une fois en 2011, alors que MissCouette n’avait qu’un an et que je n’avais pas de place en crèche pour elle. Autant dire que c’était un échec programmé: je n’ai pu assister qu’à peu de cours et je n’ai pas passé l’examen. Une fois en 2012, où j’ai abandonné au bout de quelques semaines, décidant qu’agrandir la famille était ma priorité absolue. Je tombais enceinte de Noisette au moment où j’aurais dû passer l’examen (que je n’ai pas passé non plus, donc)

Là encore, j’ai passé pas mal de temps à ruminer ce que j’ai vécu comme un échec, comme une décision me menant à l’échec, plutôt… Et je me suis longtemps demandé pourquoi j’avais préféré faire des enfants plutôt que passer ce fichu examen.
Je crois que j’ai aujourd’hui la réponse: agrandir la famille était effectivement ma priorité à ce moment-là. Il fallait que tous nos enfants soient nés avant que je puisse m’engager dans cette voie sereinement, sans risquer le regret cruel d’être passée à côté de mes potentiels enfants au profit d’une éventuelle carrière.

Aujourd’hui, je suis une maman comblée. Mouflette me fait souvent le reproche d’avoir une vie atrocement banale et de n’être qu’une éleveuse d’enfants (putain, l’adolescence…), mais ils représentent le plus bel accomplissement de ma vie et ma plus grande source de bonheur. J’aime mes enfants, j’aime ma famille, j’aime les voir évoluer, grandir, se serrer les coudes. C’est pour moi un immense apaisement que d’être leur maman.
Maintenant que ma famille est « complète », je peux penser à mon propre avenir.
Maintenant que j’ai réglé tout ce qui devait l’être en amont, je peux, sereinement, envisager de reprendre cet examen que je n’ai encore jamais osé passer.
Réaliser mon rêve ne sera jamais que la cerise professionnelle sur le gâteau que représente ma vie familiale.

J’ai tous les risques de me planter. J’ai la trentaine et ma sagacité n’est plus de prime fraîcheur… Cela fait 7 ans que j’ai obtenu mon dernier diplôme, autant dire que les souvenirs qu’il m’en reste sont plus que lointain. J’ai quatre enfants, je suis fatiguée et je manque de temps. Je ne sais plus réfléchir, mon cerveau est en jachère depuis des années…
Je suis consciente de tous les handicaps avec lesquels je pars. Mais je suis déterminée à essayer, à donner tout mon possible pour tenter de décrocher cet examen, sésame de l’école des avocats que je convoite tant.

Ma force, c’est que je n’ai pas peur d’échouer. Il y a peu de risques que mon mari me quitte en cas d’échec, mes enfants ne vont pas me renier, j’ai déjà une famille, j’ai déjà ce que je pouvais espérer de plus précieux. J’ai une situation professionnelle plutôt confortable, de mon point de vue. Disons que si j’échoue, je ne me retrouve pas sur la paille sans aucun plan B.
L’échec est une éventualité plus que probable que je regarde sans peur. Oui, je serais dévastée si j’échoue, je le sais parfaitement, tout comme je sais que je saurais m’en relever et rebondir. Là dessus, je suis confiante.

Alors le seul risque que je prends à essayer, c’est la réussite.
J’ai le luxe de pouvoir m’offrir un cadeau précieux: la tentative.
Ma force, c’est d’avoir pleinement conscience de la chance que j’ai de pouvoir essayer.

Sans titre 2

Je sais que ce sera très difficile, que je vais avoir de nombreux moments de découragement et d’abattement. Je sais que les jours de pluie, il sera difficile de trouver la motivation de me rendre à la fac. Je sais que l’angoisse face à mon retard va me gagner souvent. Mais je vais tenter, pleinement. Et pour ça, je serai fière de moi.

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35 Discussions on
“Achever l’inachevé…”
  • Juste un petit mot pour t’encourager à cette année. Le crfpa n’est pas facile, c’est beaucoup de stress et de travail. Je l’ai passé en 2013, et je l’ai eu, alors que j’avais déjà un enfant (et pas 4 comme toi) . Pour finalement partir dans une autre voie, par le biais d’un autre concours que j’avais passé la même année. Ça reste l’année où j’ai le plus cravaché, et de loin. Je m’étais mis une pression énorme, je n’avais pas de plan b. Je pense qu’il te faudra reprendre la méthode surtout, après avoir arrêté tes études si longtemps, mais c’est faisable, j’en suis convaincue. Surtout que malgré l’appellation concours, ça reste un examen. La moyenne suffit donc en théorie. Il n’en faut pas faire l’impasse sur l’oral non plus : je l’avais très peu révisé, en m’étant concentrée sur l’écrit, j’ai du réviser le reste en catastrophe.

    • Félicitations à toi! Cela me donne de l’espoir! 🙂
      Je me suis préparé un programme d’enfer, je sais que je vais faire plus que cravacher cette année… D’autant que mes 4 enfants seuls me prennent déjà un temps fou et me fatiguent, on ne va pas se mentir. C’est un challenge énorme. Mais je veux vraiment m’en donner les moyens. Je suis intelligente, je crois, j’avais à l’époque une très bonne mémoire que je devrais bien réussir à réactiver, c’est la méthode qui me manque, mais c’est comme tout, cela s’acquiert.
      Je ne nie pas que si je mise tout sur cette année, j’ai quand même prévu deux ans pour passer cet examen. Si je l’ai du remier coup, youhou! Mais si je n’y arrive pas, après avoir travaillé comme une dingue (il est évident que si j’arrête en cours de route, j’abandonnerai définitivement), j’ai prévu de me laisser une seconde chance…
      ait and see!

      Quel est le concours que tu as passé en parallèle et qui t’a fait changer de voie?

  • Bonjour
    J’adore !!!
    Une motivation extrême c’est Top. Vraiment bon courage !
    Je souhaite voir la cerise sur le Gâteau.
    Bravo pour cette force.
    Pour ce qui est des ados je vois que c’est partout pareil.
    Bon courage

  • Bravo pour cette décision! C’est un choix très courageux de ta part que de te replonger dans des études avec une famille et je t’encourage pleinement dans cette voie en te souhaitant beaucoup de réussite!

  • Ah ouais, putain, l’adolescence… ! Bon, allez, c’est sain de s’opposer à sa mère à son âge, ça va lui passer… (Putain, c’est ce qui m’attend avec la mienne aussi !)
    Bon, à la trentaine ton cerveau n’est pas ramolli non plus, tu es déjà organisée, tu as une certaine maturité et certainement le goût de la rigueur nécessaire pour le droit… Bon courage !

  • Je me retrouve dans tes mots, bien que d’un parcours bien différent… Pour le coup, j’ai été au bout de mes études d’ingénieurs, j’ai obtenu un beau poste, ma carrière était toute tracée ou presque dans un joli groupe bancaire… puis, j’ai eu ma fille, je suis retournée travailler 6 mois et je me suis dit « Mais pourquoi ? ». Des problèmes de santé par dessus et je suis repartie en congé parental… Depuis 6 ans, je me consacre à mes 2 loulous. Et je ne regrette rien.

    Je commence enfin à me projeter dans une éventuelle reprise de vie pro (mon « petit » a 4 ans)… Et je me lance dans un projet risqué et peut-être bancal, la création d’une école… Et je sais que j’aurais du mal à accepter un échec mais je n’ai rien à perdre !

    Je te souhaite de réussir, bien sûr, d’aller au bout de tout ça, mais surtout je te souhaite de trouver ta place et ce que tu cherches vraiment dans cette démarche…

    profite de cette parenthèse chargée, difficile mais enchantée !

    Virginie

  • Je t’admire.
    j’ai fait de longues études et j’ai une grande admiration pour ceux (souvent celles) qui reprennent des études avec des enfants en bas âges. Bravo.
    Et comme tu dis, tu ne risques rien, ça ne peut être qu’enrichissant. et si en plus tu réussis et tu réalises ton souhait d’être avocate, ce sera la cerise sur le gâteau…et un très bel aboutissement.

  • Bravo Aurore, il n’est jamais trop tard dans la vie pour s’épanouir. Comme tu le dis tu as la chance de pouvoir tenter cette éxpérience alors vas y fonce. Ce ne sera pas plus facile, il va falloir relever des défis mais tu en as déjà relevé tant ! Je te souhaite beaucoup de réussite !

  • Bonjour! Je suis depuis lgtps ton blog mais je n’ai jamais commenté. Je suis admirative de ta force : 4 efts, un procès difficile et là tu reprends les bancs de la fac! Qd je pense que qd je pars en formation théorique pr mon boulot , au bout de 2 h j’ai « les fourmis ds les fesses » car je veux bouger et passer à la pratique! Tout mon respect ma Dame et pleins de bonnes ondes pr mener à bien cette belle mission qui va te permettre un nouveau départ et être ainsi sereine. Comme on dit: « qui ne tente rien n’a rien! »
    Amitiés !
    Ps: je ne sais pas si tu auras le tps de revenir ns voir de tps en tps mais si tu as un cp de blues, on sera là 😉 !

      • La réconciliation avec ton corps, des bouts de féminisme qui arrivent sur ton blog, l’ambition … J’ai l’impression que tu démarres un nouveau cycle où tu ouvres plein de portes, assumes tes envies et commences à te dire que même si les choses ne sont pas gagnées, loin d’être faciles, elles sont potentiellement à ta portée avec du boulot, de l’indulgence, du temps … ou tout ça à la fois.
        Je trouve ça très badass en fait 😀

        • Haha, merci beaucoup!
          Ca me fait plaisir que tu constates ça parce que je me sens également dans un tournant de ma vie, où je commence à apprivoiser l’amour-propre qui grandit, où je me donne le droit d’avancer comme j’ai envie sans attendre des miracles, je me sens prête à beaucoup de choses et c’est à la fois déroutant (je n’ai pas l’habitude d’être transportée par un élan de confiance en moi aussi zen!) et très porteur. 🙂

  • Comme toi je reprends des études. C’est une voie que je voulais suivre il y a 20 ans et que j’avais abandonnée.
    ça fait 20 ans que j’ai quitté la fac, alors ça me fait flipper. Je me dis que je vais mettre ma vie entre parenthèse pendant quelques mois.
    Mes enfants sont grands donc de ce côté là, je n’ai pas grand chose à gérer. J’ai un boulot donc comme toi, si j’échoue ce n’est pas grave.
    J’ai affiché mon objectif sur le frigo. Mes cours commencent en octobre, je trépigne en attendant.

  • Tu es la seule « plus agée » ? Souvent, il y a plusieurs étudiants en reprise d’étude et cela permet de se serrer les coudes, mais on te sent combative et volontaire 🙂
    Bon courage pour le travail et l’organisation. C’est dur mais faisable. Je dis toujours à mes étudiants, qu’ils ont 10 mois à tenir. Le bout du tunnel n’est jamais loin.

    • Le truc c’est que pour le moment, je suis les cours de trois niveaux différents: 2 cours avec les L2 (deux groupes différents), un cours avec les L1 et 3 cours avec les M1… Je commence à voir des têtes qui reviennent mais pas assez pour identifier des « vieux ».
      L’avantage que j’ai (ou l’inconvénient, c’est selon), c’est que j’ai la tronche d’une gamine de 25 ans, donc tout le monde me prend pour une étudiante comme les autres. Pas sûre que les autres « vieux » arrivent à m’identifier facilement du coup!
      Mais je me suis faite une copine en L2! 🙂

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