Comment contrer les doutes et idées noires?

Faire un choix décisif est toujours, chez moi, accompagné de grands doutes, de culpabilité et d’idées dévalorisantes. Passée l’excitation de la décision, un millier de pensées très négatives se mettent à m’attaquer comme un escadron de la mort. Bam bam bam, je me prends tout dans la figure et cela m’empêche de respirer. Une crise d’angoisse, ça s’appelle, je crois.
Depuis que ma reprise d’études est effective, c’est à dire depuis le début de mes cours, je suis assaillie de doutes et de culpabilité. Bizarrement, au moment de la décision et tant que les cours n’avaient pas commencé, j’étais simplement euphorique et excitée. Mais les cours ont commencé, tout est devenu très concret et voilà, bim bam boum…

Pour la culpabilité, réaliser qu’elle est simplement un moyen pervers qu’a trouvé mon cerveau pour rester dans sa zone de confort, m’a permis d’y faire face beaucoup plus facilement. « Bzzzzz, fiche le camp culpabilité de malheur, je suis plus forte que toi! » Non, je ne céderai pas à la facilité de prendre ma culpabilité comme excuse pour ne pas aller au bout de mon engagement. Ca, c’est réglé!

Restent les doutes et les idées dénigrantes qui se font omniprésentes depuis quelques semaines. Au début, c’était très difficile parce que je les laissais m’envahir. Mais, et c’est une première pour moi, preuve à mon sens que j’ai fait un grand chemin au niveau de la confiance en moi, je n’ai pas envie de laisser ces idées me faire échouer (c’est à dire que j’échouerais sans doute, mais je ne veux pas me cacher derrière des excuses bidon. Si j’échoue, ce sera par manque de travail ou par manque de capacités ou peu importe, mais je veux m’y confronter. Ou me confronter à ma réussite et me dire « ok, je le mérite, j’ai bien bossé et je suis intelligente ». C’est un risque que je VEUX prendre, un risque que je me sens pleinement prête à assumer.)

A partir de là, j’ai décidé d’arrêter de vaincre ces idées noires ou d’attendre qu’elles partent toutes seules. Elles sont là, comme la culpabilité n’est que la manifestation de la peur du changement, je pense que les doutes traduisent chacun une angoisse. J’ai donc décidé de les écouter et d’y répondre.
Peur d’échouer? Oui, c’est normal, c’est un risque, mais je me relèverai, j’en sortirai plus forte, l’équation « bénéfices-risques » est clairement en ma faveur –> On fonce!

Doutes quant à mes capacités de réussir? Ben oui, je suis en droit de douter, mais je ne saurai jamais si je n’essaye pas en me donnant pleinement, en mettant toutes les choses de mon côté. Oui, ces doutes sont légitimes mais ils ne trouveront pas de réponse si je reste dans l’inertie –> On fonce!

Doutes quant à mes chances de réussir avec quatre enfants: c’est sûr que je pars avec un « handicap » en comparaison de ceux qui ont 23 ans, une famille pour les épauler et non une famille à gérer… Mais des tas de gens réussissent chaque jour à réaliser leurs souhaits alors qu’ils ont plusieurs enfants… J’ai appris au détour d’une conversation que le prof de Droit des Libertés Fondamentales a 6 enfants et qu’il a eu le premier à 19 ans, avec sa petite copine de terminale qui est devenue sa femme. 6 gosses et le gars est professeur agrégé (l’histoire ne dit pas ce qu’est devenue sa femme, mais j’ai l’intime conviction qu’elle a réussit elle aussi!). La famille apporte certes beaucoup de contraintes mais elle est également porteuse, elle permet une maturité que les autres n’ont pas forcément encore, un sens des responsabilités accru, un sens de l’organisation que, personnellement, je n’aurais jamais acquis sans avoir quatre enfants. Bref, comme dans toute situation, il y a des avantages et des inconvénients.

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Viennent ensuite les idées dénigrantes, certainement parce que les doutes sont un peu trop faciles à démonter. Ces idées qui portent une part de vérité et n’ont pour seul but que de me dévaloriser en prenant pour bases des faits avérés.
Tu as mis HUIT putain d’années à valider un pauvre M1, comment peux-tu prétendre à devenir avocate un jour? La part de vérité est accablante: j’ai en effet mis le double des années nécessaires pour valider mon diplôme. Ce n’est néanmoins pas véritablement un échec parce que le diplôme, je l’ai obtenu. Certes en mettant deux fois plus de temps que n’importe qui, mais il est bel et bien dans ma poche. Et s’il ne reflète pas des capacités intellectuelles hors du commun, loin s’en faut, il démontre néanmoins une ténacité et une détermination à toute épreuve. Je suis forte de ça, d’avoir réussi, en prenant mon temps, mais sans jamais abandonner.
Alors je décortique ce que mon cerveau me renvoie comme un échec. L’est-ce tant que ça? Peut-on parler d’échec quand on a une victoire au bout du compte? Ai-je vraiment le droit de m’en vouloir d’avoir pris tout mon temps alors que je vivais parallèlement une situation très difficile? Je me souviens d’un forum de victimes sur lequel j’allais souvent lors de ma première année de licence (L3 donc, je venais de valider mon DEUG, en 2 ans, « comme tout le monde »). Une jeune femme avait abandonné sa maîtrise en pleine année. Elle était comme moi, elle se prenait son enfance en pleine gueule et avait abandonné ses études pour se murer chez elle le temps de digérer sa prise de conscience. J’ai ressenti une immense compassion pour elle et beaucoup d’admiration, et j’étais tellement triste qu’elle s’en veuille ainsi d’être « une ratée ». Elle n’était pas une ratée mais une personne devant faire face à une douleur indicible et qui ne pouvait pas tout mener de front. Aujourd’hui, mes sentiments à son égard (et je ne sais pas ce qu’elle est devenue ensuite) sont restés intacts. Pourquoi alors suis-je capable de faire preuve de bienveillance envers une parfaite inconnue alors que je me regarde aussi durement?
Mon parcours est ce qu’il est, loin d’être parfait, pas aussi brillant ni rapide que je l’aurais souhaité, mais je traîne mes casseroles, c’est ainsi. Je ne cherche pas à me trouver des excuses mais au contraire à regarder la réalité avec autant de lucidité que possible: oui, je pars perdante, oui, mes chances sont infimes au regard de mon parcours stricto sensu. Mais au fond, je sais que ce parcours, aussi cabossé soit-il, est une véritable réussite parce que je n’ai jamais renoncé malgré les difficultés.

« Tu n’as jamais été sérieuse, tu n’y arriveras jamais, tu es nulle ». Là encore, j’ai fait comme j’ai pu avec les moyens du bord. J’ai analysé mon comportement, tout ce qui m’entravait, tout ce dont je suis aujourd’hui libérée. Je n’ai été sérieuse que par à coups, et à chaque fois que j’ai fourni un travail convenable, les résultats ont suivi. Rien n’est gravé dans le marbre. Celle que j’étais hier, avec toutes les difficultés, les blocages, l’engrenage de la « spirale de l’échec », tout cela fait partie de mon expérience mais ne me caractérise pas. Je peux m’appuyer dessus, analyser ce qui m’a mené aux mauvais résultats et ce qui m’a permis de réussir malgré tout, et le tourner à mon profit. Mes nombreux échecs, si je les décortique, me permettront de tout faire pour réussir cette fois. Les échecs sont un atout.

« Tu n’es qu’une bonne à rien, tu vis oisivement depuis plusieurs années, tu ne mérites pas de te laisser une chance! » Je ne cherche pas à comprendre comment je peux avoir une vision aussi âpre de moi-même, je sais pertinemment d’où cela vient. Je ne veux pas m’en vouloir d’avoir ces pensées négatives et sournoises. Elles sont là, j’ai décidé de les regarder en face pour les amoindrir. Je suis maman de quatre beaux enfants. Je suis mariée depuis 9 ans à un homme que j’ai rencontré il y a 15 ans, notre couple connaît des hauts et des bas mais il représente malgré tout une réussite. Je suis fière de ma famille, et j’estime que ma vie familiale est pleinement épanouissante. J’ai placé mes priorités à ce niveau-là pendant des années, c’était mon droit, même si je le juge parfois « facile » en cela que n’importe qui est capable de faire des enfants, encore faut-il savoir les élever. Il n’en reste pas moins que je suis forte aujourd’hui de ce que j’estime être un succès: ma famille est une source immense de joie et de fierté. Je n’ai pas eu une vie spécialement oisive (à moins de considérer que porter, mettre au monde et prendre soin de bébés soit une sinécure…).

« Tu n’es rien qu’une petite blogueuse pourrie. Regarde, tu dis que tu as un travail, mais en réalité, tu ne fais rien… » J’ai créé un blog, je suis devenue micro-entrepreneuse et je vis de cette activité. Certes, cela ne demande pas de grandes compétences, cela ne me prend pas 10 heures par jour… Mais depuis que j’ai repris les cours, je prends pleinement conscience de l’investissement que cela me demande! Ce n’est pas très glorifiant, c’est évident, mais je n’ai pas « rien fait », je ne pars pas de rien, ce blog me montre justement que je suis capable de créer, de rebondir, de rester indépendante. Il est aussi, dans une certaine mesure, une véritable réussite en ce sens que je le tiens depuis 8 ans et je n’ai, là encore, jamais abandonné, je suis restée fidèle, j’ai persévéré, j’ai appris, j’ai grandi aussi. Ce n’est pas l’activité la plus méritante ou la plus valorisante qui soit, mais pendant 8 ans et encore sans doute quelques années, c’est la mienne.

Je crois au fond que cette période de doutes est plutôt une bonne chose. C’est déstabilisant (mais je crois que c’est le but), agaçant, énervant… Mais c’est à mon avis le signe que je suis entièrement prête à faire face à un changement majeur, à pleinement m’engager dans un projet difficile et exigeant, et mon cerveau panique… Ces petites voix que j’arrivais à faire taire depuis plusieurs mois reviennent en bloc parce que je suis dans une période de transition et donc, de vulnérabilité.
Même si je ne suis pas hyper sereine face à cette période de ma vie, je suis soulagée de constater que j’arrive à prendre les choses avec recul et plutôt calmement. Je ne sais pas si ma stratégie est la bonne, mais le simple fait que ce soit une stratégie et non un effondrement sous le poids des injonctions est à mon avis déjà une petite victoire en soi. Je suis persuadée qu’en laissant exprimer ces doutes, qu’en les accueillant et en prenant le temps de « répondre » à chaque pensée désagréable, les choses vont s’apaiser et je pourrai continuer ma route plus forte encore.
J’ai vaincu tous les monstres de mon passé, un à un, en les assignant en justice ou en les virant de ma vie. Aujourd’hui, il me reste quelques vestiges, les démons ancrés dans mon inconscient. Il me reste cette dernière bataille contre moi-même, pour moi-même. Toutes les expériences passées, aussi insurmontables qu’elles m’aient parues, sont désormais derrière moi. Ce n’est qu’une question de temps pour que je me libère pleinement. J’ai confiance.

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12 Discussions on
“Comment contrer les doutes et idées noires?”
  • Quel bel article!
    Il n’y a pas de meilleur parcours qu’un autre, on a tous le notre avec nos casseroles comme tu dis. La vie est comme ça il faut composer avec ce qui nous entoure. Tu as déjà réussi beaucoup de choses eb surmontant tes difficultés, il n’y a pas de raison que tu n’y arrives pas encore une fois meme si cest avec plus de temps on s’en fou non ? Le principal est dy avoir pris quand même plaisir, car quand je vois tes post/stories (je te suis pas mal sur ig) Jai pa sensation que tu teclates malgré tous ces doutes.
    Je t’envoie plein de courage et de bonnes ondes pour ta reprise d’études! (Meme si je comprend pas grand chose à tes questions juridiques )
    Alexandra

    • Merci Alexandra!!
      Je m’éclate en effet, ça c’est une évidence! Et je pense comme toi, quel que soit le résultat (même si je l’espère favorable), cette année sera loin d’être perdue tant je prends plaisir à ce que je fais. 🙂
      Merci pour tes encouragements!
      Je crois que si un jour je porte la robe, personne ne viendra me demander en combien de temps j’ai eu mes diplômes alors bon, tout est à relativiser! 😀

  • Je suis d’accord pour tout dans ton article sauf malheureusement pour la conjointe de ton prof 😉
    L’expérience m’a montré que dans ce métier, les couples avec plein d’enfants laissent souvent madame sur le carreau, même si on ne peut évidemment pas tirer une généralité de mes petites observations personnelles. Beaucoup de mes collègues hommes sont arrivés plus vite que leurs femmes à un poste permanent à l’université.

  • Je crois que toute grande décision mène à une remise en question énorme… Mais ces doutes, ces peurs te permettent d’avancer, dans le bon sens… Tu ne te laisses pas envahir et du coup, tu fais de vrais bonds en avant !

    Bravo

    Virginie

  • Bravo, total accord: plutôt que de lutter contre les idées noires (« non, je ne peux pas penser ça… ») les accueillir et les voir en face et leur répondre !

    (Juste, moi aussi, j’émets des doutes sur la femme du prof aux 6 enfants. Il y a des exceptions, hein, mais c’est quand même bcp plus facile pour un mec d’avoir bcp d’enfants ET un job exigeant/haut placé/etc que pour une femme. Déjà rien que parce que lui ne prendre pas le congé maternité 😉 Mais ensuite, le degré d’implication dans l’éducation, la présence au domicile, les jours enfants malade, le retour à 17 h pour aller chercher les enfants à la crèche/école: est-ce qu’il a géré tout ça ? :p )

    • Je suis une idéaliste, lol! J’ose croire qu’il s’est occupé de ses mômes autant que sa femme…
      Mais étant donné l’âge qu’il a l’air d’avoir (la cinquantaine je dirais) il est fort probable que le modèle soit plus « classique » en effet…

  • Bonjour, j’ai fait l’expérience par hasard des bienfaits psychologiques de l’exercice : dépressive (cliniquement) depuis l’enfance, graves accidents de la vie etc… depuis 18 mois je me suis créé un programme sportif quotidien, au début très léger puis plus intense à mesure que je progressais. Cela m’a fait énormément changer d’attitude, et si je garde des fragilités, je suis devenue plus sûre de moi, plus sereine, et plus heureuse en fait. Bonnes fêtes! 🙂

    • Oui, j’avais en effet vu que des études démontraient les bienfaits du sport et de l’exercice sur le mental, tant pour la dépression que pour le blues.
      J’y consacre très peu de temps pour le moment, mais j’aimerais moi aussi me faire un petit programme. Je note l’idée du progressif!

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