Je dois bien avouer que depuis le début de l’année, je n’ai pas lu grand chose à part des cours de droit ou des ouvrages me permettant d’avancer un peu sur ma culture juridique… Pas le temps et grosse grosse flemme… Je passe mes journées à rédiger des cas pratiques, à lire des bouquins que je retranscris en fiches, à regarder des vidéos juridiques que je fiche également (Je vais prendre des actions chez Exacompta!), et à la fin de la journée, mes yeux ne sont plus capables de rien… La perspective de me mettre au lit pour LIRE me donne d’avance mal à la tête… Je n’ai jamais eu de bons yeux, loin s’en faut, mais je sens leur décrépitude de jour en jour depuis la naissance de mes deux derniers…
La solution m’apparaît donc dans les livres-audio. C’est formidable parce que je peux « lire » avec la lumière éteinte, offrant ainsi un repos bien mérité à mes mirettes. J’adore l’appli Audible parce que je peux régler la vitesse de lecture. J’ai une tendance à lire assez vite (ce qui est d’une grande aide pour les notes de synthèse!) et écouter quelqu’un qui lit à une vitesse normale peut avoir tendance à me crisper un peu… J’ai lu les deux derniers bouquins respectivement en vitesse 1,5 et 2, ce qui m’a permis de les écouter en deux jours (mon drame, je ne peux pas commencer un bouquin sans y laisser ma vie, délaissant tout pour le finir. Sans doute ce que l’on appelle une passion dévorante. Au moins, cela ne m’a pris que 7 heures pour les deux! ^^)
J’ai lu deux romans dont le concept est assez original. Un projet commun entre deux auteures, une histoire qui commence exactement pareil, mêmes personnages, mêmes lieux, jusqu’à un détail qui fait tout basculer d’un côté ou de l’autre. Les deux romans peuvent se lire dans un sens indifférent, on peut même en lire un sans lire l’autre. Les deux se complètent tout en restant chacun autonome.
J’ai commencé par « Avec elle ». L’histoire commence avec deux jumelles de 6 ans, Coline et Jessica. L’une est punie pour avoir cassé une bouteille de Chanel n°5, elle est privée de feu d’artifice, en ce 14 juillet 2004. L’autre s’y rend avec sa mère. Dans la foule, un jeune homme distribue des colliers phosphorescent, la fillette en veux un, elle se précipite, trébuche, se fait relever par un bel homme qui se met à séduire sa mère…
Une accumulation de petits détails qui amènent Patricia, la mère, a foncer droit à sa perte, entraînant avec elle le bonheur de ses filles. Jessica est manipulatrice, ne cesse de se mettre en valeur pour garder auprès d’elle cette mère dont elle est certaine qu’elle souhaite abandonner l’une de ses filles. Un jour d’été, chez ses grand-parents, alors que sa soeur vient de sauver son doudou des eaux, elle va laisser cette dernière croire qu’elle est à l’origine d’un accident. Coline s’efface peu à peu, persuadée qu’elle est un monstre, qu’elle ne mérite plus rien, elle devient une ombre tandis que sa soeur ramène à elle toute la lumière possible.
J’ai trouvé fascinantes les relations entretenues par les deux jumelles. Fusionnelles et destructrices. Toxiques mais essentielles. L’une ne pouvant pas vivre sans l’autre. Le récit narre à merveille les subtilités d’un cerveau d’enfant de 6 ans, jusqu’à l’adolescence. Ces petits riens qui prennent des proportions extraordinaires. Ces éclats de voix qui deviennent autant de traumatismes. Toute la complexité d’un raisonnement immature, hyper sensible, que tout peut ébranler et faire basculer irrémédiablement si on n’y prête pas attention.
L’intrigue est vraiment prenante, par contre, elle n’est pas gaie du tout. C’est une histoire de passion toxique entre deux soeurs qui ne sont rien l’une sans l’autre mais qui ne parviennent pas à cohabiter sainement. C’est à la fois triste et fort. Et cela donne envie d’être attentif aux petits trésors si précieux et si fragiles dont on a la responsabilité.
J’ai continué avec « Sans elle ». L’histoire débute exactement de la même manière, au mot près. Coline est punie alors que Jessica part avec sa mère au feu d’artifice du 14 juillet 2004. Elle voit les colliers phosphorescents que distribue un jeune homme et souhaite absolument en avoir un. Elle lâche la main de sa mère, celle-ci étant happée par le feu d’artifice qui vient de commencer. Quand Patricia, la mère, baisse le regard pour retrouver sa fille, cette dernière a disparu.
J’ai moins aimé ce roman là car je l’ai trouvé insoutenable. La disparition est tellement bien décrite, les sentiments de torpeur et d’angoisse des parents sont si admirablement retranscrits qu’il m’a été difficile d’en soutenir la lecture. Impossible de ne pas se projeter… Et j’ai trouvé l’exercice cruellement douloureux. La première moitié du roman s’attarde sur les recherches vaines, les espoirs sans cesse abolis de la famille dans la tourmente. La deuxième partie suit la tentative de reconstruction du père. Et l’effacement de Coline, la jumelle qui a perdu sa moitié et qui ne s’en remettra jamais. Celle qui a perdu sa mère dans la foulée, cette dernière étant un fantôme voué à la recherche de sa fille disparue. Coline essaye de disparaître tout en souhaitant à tout prix attirer l’attention de celle qui ne voit même plus qu’elle existe.
Ce roman-là est néanmoins intéressant car il nous plonge avec beaucoup d’acuité dans le quotidien atroce d’une famille qui a perdu un de ses membres, sans savoir ce qui lui est arrivé. On réalise alors qu’il existe encore pire que de perdre un enfant: le perdre sans savoir ce qu’il est advenu de lui. S’il est encore en vie quelque part, s’il souffre le martyr, s’il est décédé, dans quelles conditions… Le doute et l’espoir qui empêche de faire le deuil et de s’autoriser à vivre.
Intéressant aussi le parallèle entre les deux livres. Coline restant dans l’ombre de sa soeur, que celle-ci soit présente ou absente. Les histoires se complètent, se rejoignent, douloureusement.
La lecture de ce second roman m’a fait penser à plusieurs reprises au Goncourt « Chanson douce », dans sa façon de souligner la difficulté de vivre dans un monde qui ne nous pardonne rien, où un moment de partage simple avec les siens devient une source de jugement de la part de ceux qui ne peuvent pas comprendre que l’on puisse sourire alors que l’on vit un drame. Cette double peine des gens malheureux que la société condamne tout en les mettant à l’écart, le malheur étant peut-être contagieux. Cette façon d’évoquer un fait divers tragique avec une précision d’orfèvre.
C’est glaçant.
Bref, je vous les conseille si vous aimez ce genre de sujets. C’est très sombre mais vraiment bien écrit et le ton est acerbe. La voix du premier est très fluide et agréable. J’ai trouvé le second lu un peu plus « mollement », mais comme on peut accélérer la vitesse de lecture, cela n’a pas été un souci. D’un autre côté, j’avais lu le premier en vitesse 1,5, c’est donc assez normal qu’une voix lisant à allure classique m’ait paru trop lente… L’oreille s’habitude très vite à une lecture rapide!
Je conseille la lecture dans l’autre sens, d’abord « sans elle » et ensuite « avec elle »… Les deux histoires sont très tristes mais je trouve « avec elle » tout de même moins éprouvant.
« Avec elle », de Solène Bakowski, lu par Lila Tamazit. « Sans elle », de Amélie Antoine, lu par Ludmila Ruoso. Les deux sont en exclusivité chez Audible.
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